Les 5152 kms d’un été américain.

Les 5152 kms d’un été américain.

Chaque jour, au fil des semaines, quand je voyais la carte se dessiner je me disais qu’elle faisait une bien jolie boucle, certes biscornue, mais bien jolie quand même.

Des p’tits bouts de Washington, Oregon, Idaho, Wyoming, Montana et Colombie Britannique. Belle allure !

De cette carte nous avons suivi la ligne. Et même si nous nous en éloignions souvent nous y revenions toujours.

Aujourd’hui la boucle est bouclée alors que 5152 kms plus tôt, le voyage commençait…

Il y eut Vancouver, juste effleurée avant de se poser, histoire d’ouvrir la boucle, et cette chanson qui toujours me trotte dans la tête.

Il y eut enfin les premiers kilomètres américains. Excitation. Sourire scotché aux lèvres. Etincelles joyeuses dans les yeux. Nous partions à la découverte des Northwestern United States !

Des souvenirs de paysages, de sons, de couleurs, de rencontres, de regrets, de silences, de bavardages, de surprises, de ravissements se bousculent, s’entrechoquent et s’emmêlent pour se poser sur la page, telles les baguettes d’un mikado.

Des collines rondes et douces, écrasées de soleil. Puis au détour d’un virage, une étendue verte et fraiche puis à nouveau les rondeurs dorées, puis un ruisseau et des arbres…

Des fruits savoureux vendus avec le sourire sur le bord de la route. Jolie complicité entre la maman et la petite fille. Vallée de Yakima.

Un rayon de chips de 50m de long, des sachets de 150 rondelles de saucisson, des fromages au kilo, la démesure à la mesure du pays.

La Columbia River, au bleu sombre alangui, entre les berges au doré escarpé.

Des bâtiments déglingués par le temps qui passe, abandonnés sur le bord d’une route, au milieu de nulle part.

Une rue. Une marchande et son market, autant usés l’une et l’autre par les ans. Un pick up jaune-passé abandonné dans les herbes folles. Quelques bicoques qui ne tiennent plus debout que par le bric et le broc. Des pompes à essence rouillées. Une boutique « closed » en bois gris-intempéries. Et puis 3 enfants et 1 chien qui courent, ils rient il aboie. Des grands arbres qui font de l’ombre pour un mini picnic. Mitchell, village pour lequel on ne peut avoir que de la tendresse, déjà presque village fantôme.

Une route et le regard qui se perdent dans un horizon sans fin.

Dans les collines rousses, au loin, des cowboys qui rassemblent le bétail. Galops de poussière.

Panneaux publicitaires surdimensionnés, enfilades de feux tricolores, ronronnements des voitures, centres commerciaux, motels, stations essence. Entrée d’une ville.

Un désert pour paysage et au milieu coule une rivière.

Quelques zigzags : Boise la très grande, où nous rencontrons Nez Percé qui indique le chemin à Lewis et Clark. The Dalles l’endormie sous un soleil impitoyable. Ketchum la frimeuse avec ses boutiques de luxe et son restaurant français. Bozeman l’élégante aux rues en fleurs. Cody la joyeuse et sa country music, son animation estivale et son incontournable rodeo. Butte l’historique et les vestiges de son exploitation minière. Spokane dont on dit si souvent qu’il n’y a rien à voir, où l’on découvre des trésors d’architecture dans la douceur d’un soir. Jackson la dynamique avec son Million Dollar Cowboy Bar ô combien célèbre, ses boutiques aux milliers de bottes et de chapeaux. Missoula, âme littéraire du Montana, mon évidence, qui se cache dans le creux doré des Rocheuses, écrasée de chaleur en ce jour d’été.

Livingston. Jim n’a pas résisté aux appels de la belle Yellowstone River et de l’immensité bleue du ciel, il est parti pêcher…

Des loutres facétieuses s’en donnent à cœur joie dans la Madison d’un frais matin pendant que des wapitis gourmands dégustent la tendre prairie.
Un si joli petit écureuil tenant dans sa gueule une minuscule pomme de pin alors que dans le lointain, aux abords d’une forêt, un grizzli, indifférent, vit sa vie.
Quelle est verte la vallée ! Et fraiche. Et paisible. Des bisons, des centaines de bisons s’y sont installés pour un picnic géant.
Fin de journée au vent glacial. Soir de pluie et matin du lendemain aux cimes de neige. Quand le Yellowstone s’amuse à nous surprendre.

Pays des ranchs, pays des cowboys, pays des chevaux, pays des troupeaux, pays des rivières et des lacs. Qu’il est étonnant à vivre ce Montana quand enfin la réalité tant attendue remplace l’imaginaire peuplé par les récits de mes écrivains préférés. Regrets de ne pas rester là plus longtemps apaisés par la certitude de revenir un jour.

Un geste de la main, un sourire, un Hi, c’est si simple pour échanger quelques mots. D’où venez-vous ? De France. De France ? Mais qu’est-ce que vous faites là ? On vient visiter. Mais il n’y a rien à voir ! Si, par exemple, il y a vous ! Eclats de rire. Et c’est parti…

Un paysage tout en rondeurs dorées, un ciel démesurément bleu, des nuages légers qui flânent dans l’éclat du soleil. Balades en Oregon.

Rodeo. Prière. Hymne national. On tape des pieds, on tape des mains, on hurle en musique. On applaudit ou on soupire avec des aaahhh ou des ooohhh au rythme des compèts. Du sérieux pour les initiés et du plaisir pour les profanes dans une espèce de délirante communion !

Du beige à l’orange, du vert au gris, du bleu transparent au bleu profond, du jaune vif au brun foncé, du blanc limpide au noir intense. Indescriptibles nuances des couleurs aux senteurs de soufre entre geysers, cratères et fumerolles. Mais qu’écrire alors que tout a déjà été décrit ? Juste envie de vivre Yellowstone, pas de l’écrire.

Au petit marché paysan de Spokane, dans la fraicheur d’un matin bleu, j’ai acheté des abricots et des pêches.

Une route en gravelle, qui chemine entre fermes et prés, où l’on croise dans des éclaboussures de poussière des pick-up rugissants. Une autre qui se cache dans l’ombre d’une forêt et qui tout à coup, au sommet d’une côte dévoile dans le lointain les monts  enneigés. Celle qui se tord entre les prairies, puis entre les roches, qui se faufile dans le creux des vallons, qui grimpe puis descend au gré des collines.

Quand la country music de la station 99.2 envahit la voiture, c’est sûr, nous entrons dans ce joyeux Wyoming !

Smith Rock, le parc-petite merveille qui se cache pour mieux se laisser découvrir. Prendre son temps et ses aises pour le parcourir et l’admirer. Grimper, grimper encore à s’en donner le vertige et puis enfin revenir  au bord de la Crooked River faire une pause ô combien délassante.

Ailleurs, les montagnes de roches et de sapins font place aux montagnes roses et rondes…

Autres zigzags : Skykomish, pour un p’tit dèj mémorable, où les « trains du Grand Nord » prennent un malin plaisir à assourdir et étourdir. Wishram, village sur les bords de la Columbia River avec en toile de fond le Mount Hood et les ombres de Lewis et Clark. Leavenworth la so kitch bavaroise, drôle d’endroit pour une rencontre avec l’Amérique ! Et puis aussi : Prineville Dayville Goldendale Wenatchee Arco Redmond Hailey Unity Brogan Fairfield Wilson Garrison Ovando Colville Superior et d’autres encore… Ici tout est délabré, abandonné au vent, à la pluie, au soleil et se meurt. Là quelques maisons, un bar, un motel et encore un market font comme ils peuvent de la résistance. Des villages traversés, des villages où l’on flâne, des villages où l’on bavarde, des villages qui désolent et d’autres qui réconfortent.

Un homme qui murmure à l’oreille de son cheval.

Quand le soleil se décide enfin à calmer ses ardeurs, il faut aller apprivoiser les Painted Hills. Marcher sur les sentiers pour découvrir ces collines aux formes étranges et s’asseoir quelques instants pour en déchiffrer les couleurs.

Une route sans fin qui file entre les collines de sauge, à perte de vue. Soudain, posées là, une vieille barrière déchiquetée par le vent et une grange rongée par les ans.

Et puis être entouré d’immenses rochers au noir intense, aux formes étranges, lisses ou tortueuses. Vastes et presque inquiétants que ces Craters of the Moon qui dit-on ressemblent aux paysages lunaires.

Pourquoi est-ce que je découvre toujours des trucs là où les gens disent qu’il n’y a rien à voir ?

Alberton. Village lilliputien et son extraordinaire Montana Valley Book Store aux 100 000 used books. Incredible ! Trouvaille d’un jour.

Puisqu’il faut bien que le voyage s’achève et qu’il reste encore quelques jours à vagabonder, nous voilà dans l’ellipse canadienne : Greenwood, image du Far West. Osoyoos, prisée station balnéaire. Merritt et son country-music festival. Hope, ses tunnels et ses totems et enfin, pour boucler la boucle, Vancouver.

Vancouver la cosmopolite où il est si facile et si agréable de se balader. Fourmillante, joyeuse et tranquille, dynamique, sportive, gourmande, paresseuse sous le chaud soleil et frileuse l’instant d’après quand les nuages assombrissent la lumière. Vancouver, kaléidoscope de mon été. Et cette chanson qui encore me trotte dans la tête.

Un été aux multiples splendeurs, aux incroyables couleurs, aux époustouflants paysages, aux charmantes rencontres, aux journées ensoleillées et si chaudes. Un été étonnant, amusant, épanouissant, surprenant. Un été somptueux et bouleversant, qui tout simplement ne donne qu’une envie : revenir…

2 réflexions sur « Les 5152 kms d’un été américain. »

  1. Dolma princesse de l’émotion.

    Tes phrases sonnent Amérique des entrailles.
    Non, ce Northwest n’est pas et ne sera jamais le lieu des processions touristiques, voilà pourquoi on l’aime à la folie. Tu nous l’injectes dans les veines, direct à mort, l’effet s’avère radical : couleurs, senteurs, âmes vagabondes, pleine lumière, tu dévoiles avec ces mots entrelacés un monde à la lisière des songes et du réel. J’adore ça !

    C’est la vie qui prend le pouvoir, tout simplement.

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