Quand les images bercent les pensées, chavirent le coeur, cajolent l’esprit et accrochent les souvenirs sur le fil des jours qui passent…

La brume ce matin-là s’est posée dans la vallée. Elle se faufile entre les arbres et se pose sur la rivière. Estampes chinoises jusqu’à ce que le soleil installe ses rayons et colore le paysage d’une lumière douce et soyeuse.

Les roseaux se sont assoupis, brindilles en mikado.

Des maisons aux murs épais et aux fenêtres étroites. Les villages se mirent dans le lac en reflets beiges et gris.

Virgules en couleurs sur paysage blanc : le vert sombre des sapins, le gris argent du lac, le bleu profond de l’Orbe, l’ocre pâle des maisons et le rouge vif du train qui passe à chaque heure du jour.

Le lac aux bords gelés. Quelques cygnes glissent, automates indifférents à ce qui les entoure. Des mouettes somnolent pendant que d’autres se défient à la pêche aux croutons de pain dans un méli-mélo d’ailes et de becs. Des harles bièvres, huppe rousse et hérissée, paradent en file indienne et des canards aux pattes en patins jouent les acrobates bringuebalants et dodelinants.

Il neigeait ce soir-là et la lune dansait sur un fil d’incertitude.

La route qui serpente entre les champs maquillés de blanc passe près d’une ferme. Des Highlands nous regardent passer, peluches brunes dans neige boueuse.

Un oiseau blanc
Une bouée jaune
Un bateau rouge
Une jetée noire
Et le gris scintillant du lac

Des oiseaux, minuscules et vifs pointillés, sifflent et virevoltent. Curieux ils se posent de branche en branche, joyeux compagnons de notre promenade.

Les pistes sont tracées sur l’immensité blanche entre vallons et rondeurs. Des couleurs glissent à vive allure entre plaisir et bonne humeur.

Deux brindilles enroulées dans la neige pour former un p’tit coeur.

Une balade près du lac. Grincements et couinements incongrus. Des morceaux de glace se chamaillent en glissant les uns sur les autres. Mille-feuilles de dentelle ou pêle-mêle de transparences. Le lac casse sa prison puis soudain c’est le silence, plus rien ne bouge. Nous reviendrons demain pour voir danser la glace.

Matin gris pâle
Soleil d’argent
Eclats de givre
Et des oiseaux dans la lumière

La cabane du pêcheur en bric à brac de couleurs et d’ornements en tous genres. Une fenêtre jaune aux rideaux à fleurs et des volets bleus. Une bouée orange accrochée au mur. Une carriole verte et un tas de bois couvert de neige. Une ardoise sur la porte : « Pas de poisson aujourd’hui ». La cabane s’est endormie.

Ecouter la musique des éclats de glace bousculés par le vent.

Paysage grandiose de douceur et de sérénité depuis le col de Marchairuz : les Alpes étincelantes fières et majestueuses qui dessinent l’horizon et la brume en pâleur ensoleillée qui se pose sur le Léman pour laisser deviner le lac les villes et les villages.

Sur le bord de l’Orbe des fleurs de givre attendent le soleil pour reprendre leurs esprits.

Un ruisseau qui zigzague dans la vallée blanche et engourdie
Des collines de forêt grise et des chalets assoupis
Il a neigé sur le village
Dans la douceur d’un matin sage

Eclaboussures de soleil, lumières dans une froide journée d’hiver.

A la lisière de la forêt des chamois se restaurent. Lorsque la voiture s’arrête quelques-uns se tournent vers nous, immobiles et yeux en points d’interrogation. Bientôt rassurés ils reprennent leur festin sans plus se préoccuper de notre présence.

Dans le lointain, par-dessus les toits du village, le clocher d’une église s’accroche aux nuages.

Mini picnic dans la neige ensoleillée : tresse et mousse de féra. Ou l’art de décliner le mot délice.

Le froid de la nuit a givré les arbres et figé la rivière en ondulations grises. Les enfants partent à l’école, entre boules de neige et glissades, petits personnages colorés et rieurs. Le train de 8 heures s’en va laissant derrière lui une trainée de chuchotements qui s’estomperont pour laisser place au silence. Le village en instantanés d’un matin.

… Quand la neige s’évanouira pour faire éclore les premières fleurs et que la glace du lac sera ciselée par les rayons du soleil printanier, il restera ces quelques  mots-images qui se sont posés là un jour pour dessiner l’hiver en Vallée de Joux et faire sourire mes souvenirs…